Je me suis réveillée tôt, avec l’idée d’écrire ce billet pour mon blog délaissé par manque de temps. Pourtant, depuis que nous l’avons rénové, avec Philippe Cadu, j’ai l’intention d’en faire un lieu de réflexion et de création dans le prolongement du journal que je tiens depuis quelques années, de mes textes, photos et dessins.
Mais voilà, entre ceux de mes livres qui en sont à des stades variés de la chaine éditoriale, ceux que je suis en train d’écrire et ceux auxquels je travaille en tant qu’éditrice externe, je n’ai plus assez de jours dans la semaine pour mener tout de front ! Attention, je ne suis pas en train de me plaindre. Une vie consacrée à l’écriture et à la création mérite mieux que des gémissements, aussi difficile soit-elle, parfois. Il ne s’agit pas de chance – ou de son pendant, la malchance – non plus. Cette notion m’interroge depuis des années et je n’y crois pas beaucoup, en vérité. Elle me semble relever davantage d’une manière inconsciente d’éviter certains questionnements et d’une interprétation subjective des évènements.
Quoi qu’il en soit, après un formidable alignement des planètes, au printemps dernier, qui a propulsé divers projets de manière significative, deux de mes textes se retrouvent suspendus à des réponses qui tardent et à des décisions qui ne relèvent pas de ma responsabilité. Un troisième est en cours d’infusion et cherche son point final.
Parallèlement – il faut développer une obstination et une vaillance exceptionnelles quand on veut être auteur ! – un roman paraîtra en avant-première chez France Loisirs au mois de décembre 2019, puis en grand format au mois de mai 2020. Celles et ceux qui me suivent depuis longtemps savent que je suis une exploratrice et que chacun de mes livres est une occasion de renouvellement. Celui-ci ne fera pas exception. Écrit à quatre mains, il inaugure une nouvelle collaboration artistique inscrite dans la durée, puisque nous sommes déjà en train de rédiger le prochain. Des liens, un titre et des noms dans le prochain épisode de ce blog !
J’ai pu paraître silencieuse et peu productive, depuis ma dernière parution. En réalité, j’opérais un retournement suite à des évènements concomitants particulièrement difficiles – pertes diverses et chocs à répétition. Il n’est pas utile de s’étendre sur les violences qui font notre ordinaire ni sur les vilénies des un.e.s et des autres. En revanche, ce dimanche 1er décembre, j’allumerai une bougie en hommage à celui qui m’a offert une ultime leçon en disparaissant, il y a trois ans.
Et comme il y a une certaine logique dans ce qui nous arrive, même si elle nous échappe complètement, je termine une lecture percutante, recommandée par mon amie Caroline, la fameuse Femme renard : L’idée ridicule de ne jamais te revoir de Rosa Montero. Ce texte entre en résonance directe avec celui qui me hante et dont je n’ai pas encore achevé la version définitive, au bout de tout ce temps. Mais se séparer, une fois encore, n’est pas chose facile quand on aime.
Nous grandissons comme des bonzaïs, torturés, élagués et rapetissés par les circonstances, les conventions, les préjugés culturels, les impératifs sociaux, les traumas infantiles et les attentes familiales.
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L’intimité, ne plus savoir très clairement où vous finissez et où commence l’autre.
…/…
…quand la douleur s’abat sur vous sans palliatifs, ce qu’elle vous arrache en premier, c’est les mots.
Le parcours d’un écrivain est jalonné d’épreuves. On en parle peu et pourtant, aucun artiste n’y échappe. Se montrer fragile, défaillant, en difficulté, est périlleux quand on est condamné au bulletin de note public dans une compétition permanente que chacun feint d’ignorer. Il faut une sacré solidité intérieure pour résister à un étalonnage de sa valeur créative basé sur le nombre d’exemplaires qu’on a vendus et la course aux honneurs. Comment tenir debout et continuer quand, faute d’exploitation, disparait l’œuvre qu’on a mis plus de vingt ans à construire ?
Pour résister et ne pas finir stérilisée, je me suis engagée sans coup férir dans un retournement qui a phagocyté ces trois dernières années : retour à la poésie, écriture d’un livre jeunesse extravagant, exploration du roman par le rire, dépouillement de soi dans le vertige d’un texte, tenue d’un journal quotidien, dessins et photographies. Ce retrait, aussi salutaire que douloureux, me conduit de jour en jour vers plus d’authenticité, versant secret de la joie.
Demain sera une belle journée, même si le chagrin continue de se manifester pour d’infimes raisons : une salade sur le bord de ma fenêtre, l’éclosion des cosmos, un pot de persil, une salle de bain vide et des mots dont l’écho s’attarde – « Il ne faut pas faire tout ça pour moi. » (Bien sûr que si !)
Rosa Montero parle de la pureté de la peine et de la consolation que nous cherchons à travers l’art quand nous transformons la douleur en beauté. C’est le prix du retournement et il faut se tenir prêt à le payer.
Quel plaisir d’avoir de tes nouvelles et de te savoir dans tous ces beaux projets, nourrie de toutes ces nouvelles expériences (qui dit que l’expérience est toujours drôle ou agréable quand on la vit..) Et un énorme grand bravo pour ce roman à paraître ! Je lui souhaite tout le succès qu’il mérite !
Magali, fidèle aux avant-postes ! Merci pour tes encouragements qui me vont droit au cœur. Où en es-tu de cette traduction poétique dont tu m’avais parlé ?
Cc Frédérique.
Si tu savais comme ce que je lis fait écho en moi. J’en suis à ce stade là. Faire un deuil, accepter ses douleurs et de redevenir une petite fille. De se regarder en face et ne plus se masquer le visage et sa conscience. Les chemins de vie sont parsemés d’embûches qui nous sont nécessaires pour grandir et apprendre à se connaître. Bisous
Chère Céline, mes pensées t’accompagnent dans ce petit sentier qu’on ne peut prendre que seule. J’ai vu, l’autre jour, un photo lumineuse de toi en train de lire. J’espère que tu poursuis tout cela et que tu y trouves matière à consolation. Je t’embrasse.
Ah L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir ! Lu l’an dernier, il m’a retournée (j’ai écrit cela avant de me rappeler le titre de ce billet…).
N’étant pas abonnée à France Loisirs, j’attendrai sagement le printemps 2020 (enfin, j’essaierai).
Bon courage Frédérique.
Comme quoi ce titre est bien choisi 🙂 Merci Flo, Mai sera vite là et puis il y a tant de merveilles à lire en attendant. Mais merci d’envisager de me faire une place dans votre Pal.
Heureuse de vous retrouver, nous nous sommes croisées un jour, peut-être dans les Cévennes… et je me suis inscrite à votre blog. Je vous souhaite un doux retournement.
Dans les Cévennes ? Merci pour votre présence, Michèle.
Merci Frédérique, pour ton regard porté dans ta plume. Ton texte m’a beaucoup touché. Tu es une grande écrivaine, une dessinatrice, une artiste qui me bouleverse. Et à part te dire merci, il n’y a rien que je puisse ajouter.
Merci Sandrine 🙂 Tu es embauchée officiellement comme attachée de presse ! Je
J’espère que la vie est belle pour toi. Je t’embrasse.
Frédérique, je découvre ton texte, dont le titre résonne en si bel accord avec le mien, même si le contenu est bien différent. Je retiens ce mot « authenticité » qui est aussi ce vers quoi je m’efforce d’aller, après des années à me dissimuler. Bien sûr il y a les tirages et les honneurs, mais je crois que les gens qui lisent vraiment ne s’y trompent pas. Il y a des auteurs que la critique et la presse encensent et dont on ne parle sur aucun blog. Aucun. Les anglo-saxons misent beaucoup sur le sens de la communauté qu’ils savent créer, et je pense qu’on gagnerait à développer davantage cela ici, en créant des réseaux, des synergies, de l’entraide. Pour ne plus dépendre des « officiels »…
Gwenaelle, j’étais si surprise en tombant sur ton billet qui portait le même titre que le mien ! Ce qui nous arrive est différent dans la forme, mais l’orientation est la même : inventer sa propre voie/voix au milieu de la cacophonie ambiante, remettre à leur juste place, les feux de la rampe. Inventer plutôt que suivre, agir plutôt que réagir. J’ai hâte de voir dans quelle direction tu vas nous entraîner. Tes problèmes de tendinite sont-ils résolus ? As-tu pu te remettre à peindre ? Merci pour ton passage.
Une belle tranche de vie que ce retournement !
Toujours aussi active, créative et talentueuse, reste le plaisir de vous lire…
Amistat ;o)
C’est chaque fois un plaisir de vous retrouver, Didier.
Eh bien si tu écris peu ici, quand tu écris tu fais dans le dense ! Trois ans déjà, trois ans longs et courts. Trois ans où si tu as douté parfois, tu l’as fait à ta façon, en ouvrant de nouveaux projets et en travaillant fort.
Cher Gilles, toi qui es à l’origine de ce site, toi avec lequel j’échange depuis plus de vingt ans, merci d’être cet ami chaleureux, intelligent, drôle, fidèle et réconfortant.Notre amitié est au nombre de celles qui me sont essentielles.
Beaux sourires des deux écrivaines. Quelle chance la complicité ! Je t’embrasse
Nous ne nous connaissons pas assez pour parler de complicité, en tous cas pas sur le long terme 🙂
Je suis toujours heureux de retrouver votre belle écriture. Il y a quelques semaines, en rejoignant ma compagne aux urgences de l’hôpital St Joseph à Paris et patientant (longuement) dans la bien nommée salle d’attente, j’ai trouvé dans la (petite) bibliothèque de cette salle « Le vase où meurt cette verveine » qui attendait, lui aussi, qu’on le libère du temps perdu. J’en ai été réconforté…
Bonjour Joël, cela me fait plaisir d’avoir de vos nouvelles. J’espère que ce n’est rien de grave, concernant votre épouse et qu’elle est de retour chez vous. C’est drôle de se dire que ce livre se trouve ainsi dans des endroits inconnus où il rencontre de nouveaux et d’anciens lecteurs. Je vous souhaite une belle année.