Un mois, c’est le temps qu’il m’aura fallu pour sortir d’un état qui n’a pas encore trouvé son qualificatif et s’est conclu par une chute assez brutale dans mon jardin où je repiquais des légumes, en prévision des jours à venir. Un mois/moi sans écrire, sans dessiner, sans prendre de photo. Un mois/moi sans pouvoir lire de fiction ni en regarder. Comment se perdre dans une fiction quand le réel les supplante toutes ? Un mois/moi où la moindre distraction aura été impossible.
Nouvelles organisations à mettre en place avec un collectif d’entraide sur mon village qui s’est immédiatement mobilisé pour soutenir les plus âgé.es/faibles/seul.es (rayer les mentions inutiles, s‘il y en a) ainsi que les producteurs et commerçants de proximité. Gérer l’éloignement d’avec celles et ceux qu’on aime, de notre chair, de notre sang ou de notre affinité profonde. S’inquiéter pour la santé de l’amie, celle qu’on suit depuis quatre ans dans des territoires inexplorés où elle nous devance avec une force qui se passe de longs discours, ces digressions sans fin d’une parole tournée sur elle-même. Échanger avec celles et ceux qui appellent, s’entraider de loin, pleurer parfois, avoir si peur qu’on pense en être foudroyée, et puis non. Compter ses pertes, se répéter qu’on leur survivra. S’affranchir des conseils avisés sur ce que l’on devrait être, faire ou penser. Se consoler de certains silences.
Dimanche, j’ai recommencé à dessiner, une tentative qui me ressemble – entremêlée et inachevée. Cela peut paraître sans importance ou même inapproprié, pourtant il s’agit d’un signe m’indiquant que je suis en train de me relier à cette partie créative qui mobilise mes forces et mon énergie, le reste du temps, qui m’a sauvée du naufrage à plusieurs reprises. D’ailleurs, cet après-midi même, alors que j’écrivais ce texte, la chanteuse Fanny Roz a fait une impro harpe/voix sur une de mes chansons : la boiteuse. Synchronicité, quand tu nous tiens !
Ce mois si long et si court, ne suffira pas à opérer le renversement jusqu’au bout. Quelque chose advient dans le retrait du confinement, quelque chose qui s’était mis en marche l’année où celui qui m’a offert un bouquet de racines s’en est allé. Quelque chose que je ne saurais nommer de peur de le faire fuir ou de le figer, ce qui revient au même, quand on y pense.
Il est temps de se perdre, m’a dit l’amie si chère en substance, mais faisons bien attention à ne pas retrouver notre chemin trop vite.
Reculer est une force
si c’est pour aller plus loin
et celui qui ignore la peur
ignore aussi le courage.
Ce n’est pas la destination,
c’est le voyage
qui te révèle d’où tu viens
et jusqu’où tu es capable d’aller.
Acquiescement
est le maître mot
de celui qui veut savoir
ce qu’être vivant exige.
Mes ruines
sont des fondations
Il était écrit que la forteresse
deviendrait un refuge
que le fermé
serait ouvert
quand se règlerait
la lutte ancestrale
pour le territoire.
Personne ne connait la vérité
puisque la vérité est
ce que chacun croit.
Je suis la Capitaine du vaisseau,
je suis l’allumeuse d’idées.
Vous n’embarquez pas avec moi pour apprendre,
vous montez à bord
pour trouver ce qui est déjà en vous,
irradiant vos yeux, vos oreilles, vos bouches et vos mains
de nouvelles couleurs.
Du petit faire un grand.
De l’obscurité puiser le jour.
Du désastre ramener la joie.
Pour être seul Maître à bord
Présente-toi devant moi
et demande à connaître
le secret du voyage
Quand je te dirai :
« A toi le soin ».
Il te faudra répondre :
« Je prends, Capitaine »
Extrait : En quête de Job – Frédérique Martin – Zorba Editions
Oh chère Frédérique, quel plaisir encore de vous retrouver après mon absence un peu « forcée »… Je « bois » vos mots comme auparavant… Merci amie si précieuse – Pierre
Bonjour Pierre, étiez-vous malade ? Ou peut-être en voyage. En tout cas, merci de votre présence.
Oui, ravie de retrouver Frédaime (bien longtemps que je n’avais utilisé ce petit nom). Le croirais-tu, je me suis étonnée de la difficulté à lire / écrire dans ce temps élargi, comme si l’avenir en devenant flou engloutissait tout projet. Big hugs comme disent les anglophones.
Il semble chère Frédérique, que cette « chute brutale »qui je l’espère n’est pas trop grave, a bousculé et dynamisé cette puissante énergie créatrice qui t’anime et dont tu nous gratifies d’une partie de son éclat, à la lecture de tes textes comme à l’écoute de ta chanson. Merci infiniment. Cette énergie que se manifeste aussi par le soutien que tu apportes à l’organisation de résistance dans ton village. Mais qui disait « résister c’est vaincre « ?
Ici, à l’orée des bois où le printemps déploie toute sa beauté, le confinement est facile et il serait presque joyeux si un moment seulement je pouvais offrir une partie de cette beauté aux enfants des hlm, aux malades, aux étudiants enfermés dans 9m2. Seuls les châtaigniers plantés par mes soins et que je soigne avec amour seront à l’avenir gage de ma solidarité.
Coucou Zoé, Sophka l’utilise encore et je m’en sers pour différencier une Fred de l’autre dans notre duo Les2Fred.Je comprends ta difficulté à lire et à écrire, oui. J’ai eu la même et je sens que cela continue encore d’influencer mes choix. Big hugs, donc 🙂
Chère Marcelina, je pense souvent à vous deux et à votre refuge dans les bois. J’espère si vivement pouvoir y revenir et te retrouver pour une soirée lecture, un verre de suze et une virée dans les bois avec Vigo sur nos talons. Je vous embrasse, Bernard et toi, prenez bien soin de vous.