En 1860 à Pékin, des soldats français (ou peut-être britanniques, allez savoir, ceux-là se suivent toujours de près) ont piqué deux bronzes ayant appartenu à l’empereur Qianlong : une tête de rat et une autre de lapin. Celui-ci ayant trépassé en 1795 ne s’était aperçu de rien. Ce n’est pas une raison. Et voilà qu’on les retrouve chez Pierre Bergé dans la collection qu’il avait en commun avec Yves Saint-Laurent. Et voilà qu’en plus, ce receleur prétend les vendre.
La Chine s’indigne, la Chine se dresse sur ses ergots. Ce n’est pas un Bergé qui va s’approprier le troupeau ! N’écoutant que son courage, l’Association pour la protection de l’art chinois en Europe (l’apace) dépose un référé pour qu’on lui rende ses petits, estimés à dix millions d’euros chacun.
Pierre Bergé, on l’aura deviné, n’a rien à voir avec les ravisseurs. Certes, il confesse le financement d’une maison de la démocratie chinoise qui abritait quelques dissidents… une erreur de jeunesse.
Pour prouver sa bonne foi, il propose un marché : donner les deux têtes à la Chine si celle-ci reconnaît les droits de l’homme.
La Chine fulmine. La Chine en perd son latin ! Non seulement on lui pille son patrimoine, on lui déboute ses référés, mais on vient aussi lui titiller les pieds – qu’elle a sensibles – avec des sous-entendus de tibétains assassinés, de femmes bridées dans leurs maternités, de petites filles qui disparaissent, d’ouvriers surexploités, d’agriculteurs dépossédés et que sais-je encore… De quoi se mêle ce pâtre grec ?
La France, qui aime la Chine, la diplomatie et les banques pourrait tout arranger en se portant acquéreur des deux caboches.
Vingt millions au bas mot, c’est un peu cher le kilo ! Les collectionneurs chinois eux-mêmes répugnent à payer. Et la dette qui bedonne, qui bedonne.
Crénom ! Combien de fois faudra-t-il le répéter : la justice n’a pas de prix. A ce propos, le patron des Français, qui cherche de nouvelles idées pour jeter l’argent du peuple par les fenêtres de l’élysée, ce patron-là préfère les chinois quand ils rentrent chez eux. Il ne faudrait pas qu’il aille en profiter pour organiser un rapatriement massif au si justement nommé « Pays du milieu ».
Lapinou, ratounet et quelques chinois sont dans un bateau… qui est-ce qui tombe à l’eau ?
Voilà une jolie fin de billet qui appelle la fable…
L’APACE rapace voulut un beau matin
Une tête de rat et un chef de lapin
Recouvrer.
Il en allait de la justice.
Eût-on volé un immondice
Elle l’aurait voulu autant.
L’appât du gain était absent
On voulait réparer la cause
D’un Empereur de l’ancien temps.
Elle envoya ses chiens sauter sur le Bergé.
Lui malade et fort vieux protesta,
Innocent patati et patata.
Ayant toujours aimé l’élégance
Avec cette dévotion
Qu’on professe aux gitons
Il proposa solution:
« Que la Chine à son tour fasse justice
Ouvre grand ses geôles puantes
Mette les droits de l’homme aux affaires courantes
Libère le Tibet, libère les matrices
Et promette en un mot toutes sortes de biens
A ses administrés.
Le dimanche, un lapin
Devrait être pour tous posé en la marmite
Afin que la famine enfin le rat évite.
On dit que fit de même
Le Roy Henry le quatrième
Mettant pour tous la poule au pot.
Qu’un gourmet de chow-chows
Réclamât en la place
Un petit chien bien chaud
Au dessert une glace
Cela ne fut permis car non autorisé:
La version « hot dog' » est trop américaine
Ce pays y suscite la haine,
Lui ses MacDo et ses ice-creams
Quant au pénis de labrador
Qui se vend à prix d’or
Dans les bouges de Pékin
A d’affreux cruels coquins
Est censé avoir disparu
Dans la Chine qui évolue.
Que fera notre Etat?
Est-ce de son ressort?
L’avion présidentiel
Prendra-t-il son essor?
Nicolas ira-t-il d’un coup de son aile ivre
Des Droits de l’Homme enfin leur apporter le Livre?
L’avenir le dira mais on peut supposer
Qu’à Pékin il préfèrerait se poser
Plutôt que de partir en Martinique
Risquer qu’on lui fasse la nique
Ou d’aller voir à la loupe
Ce qu’on réclame en Guadeloupe
Qu’une destination qui l’éloigne
De nos DOM-TOM en feu
Plaise mieux
A l’homme qui toujours soigne
Les maux d’autrui
Et non de son pays.
A l’heure où je m’apprête à présenter mon Carnaval des Animaux pour ce Printemps des Poètes …ton texte tombe à pic et pourrait figurer dans mon florilège .. »EN RIRES » dit ce Printemps des Poètes … Ta plume ne manque pas de sel … Un régal, Frédérique ! Continue !
Vingt millions au bas mot pour deux caboches…he bé ma pôvre dame, on se fait lourdement avoir car tous les jours, aux actualités (Pardon, j’ai 30 ans de retard, on dit JT maintenant ), on se paye la notre pour bien moins que ça…
Bisous, il est chouette ce site!
Bravo Magali pour cette fable qui va au triple galop. Merci Michel de ta visite et de ce commentaire si judicieux et drôle. Merci Juliet, si tu veux utiliser ce texte pour ton florilège, ce sera avec plaisir. Nous ne manquerons pas de matière pour les articles à venir, c’est moi qui vous le dit.