Il y a eu la journée des femmes, la semaine de la langue française, le printemps des poètes, l’année du merlan frit et maintenant le siècle du Jazz. Le siècle du jazz, et puis quoi encore ? Aucun interstice qui ne soit occupé, nommément désigné, u-ti-li-sé. On vous passe les valentins, les secrétaires, les mères, les grands-mères, leurs pignoufs et leurs amants. C’est bien simple, pas un jour ne passe sans que l’on fête une communauté – les jeunes, les vieux, les décédés – que l’on commémore – une guerre, une invention, un massacre – ou que l’on allégorise. Idem pour le béton. De l’impasse à l’avenue, chacun veut bitumer son coin d’éternité.
Mais c’est qu’entre les vivants, qui prétendent à la célébrité, et les morts, qui la revendiquent de droit, on commence à manquer de place. Les ans ne comptent que 365 jours, va-t-il falloir les fractionner ? La demi-journée du poète austro-hongrois, l’heure du trou noir dans la couche d’ozone, la minute de vérité ? Devra-t-on revoir les effectifs de la DDE à la hausse pour affronter de nouveaux aménagements urbains : banc du bon citoyen tondu, fontaine du fusillé Martin, trottoir du fruit défendu ?
La débauche de fêtes et causes en tous genres ou d’illustres inconnus finit par lasser le badaud qui, mine de rien, souhaiterait bader en paix et ne pas courir dès potron-minet s’estourbir le porte-monnaie en cadeaux frivoles et dons obligatoires. Il voudrait qu’on cesse de lui bourrer le mou afin qu’il soit en mesure de décider par lui-même s’il veut offrir des fleurs, donner son sang ou sa petite vérole et à qui. En un mot, il demande officiellement qu’on lui lâche la grappe.
Toujours à l’affût de la dernière nouveauté, le grand patron devrait réunir ses acolytes et proposer la création d’un complexe de sommités chargées d’étudier cette grave question (et les quelques autres qui sont encore en suspend). Le badaud leur suggère le nom du colloque pour pouvoir le célèbrer – Nano seconde du vide. Et un lieu propice pour le loger – A l’hôtel du cul tourné.
En orbite terrestre, c’est pareil. Plus de place pour de nouveaux satellites. Tiens, l’autre jour y en a deux qui se sont emplafonnés ! Un américain un russe. D’ici que ça arrive pareil à deux journées de commémoration. Boum badaboum !
Mais, ma pôvre dame, dès potron-minet, le badeau, il en redemande des fêtes et des commémorations pour s’estourbir les neurones et le porte-monnaie. Témoin cette nunuche entendue un beau matin sur Inter, qui se voyait contrainte de remettre son mariage à plus tard pour faute de crise (Grôsse malheur ça!!!). Un mariage !, qu’en voila une belle fêêête qu’on se remémore tous les ans. Un coup en or, un coup en platine, un coup en caca de pigeon, avec des invités, des amis, des voisins a qui on se jure bien d’en mettre plein la vue en exibant son amour. Le vrai, celui qui s’écrit avec un grand A comme dans Argent.
Allez bisou, faut que j’y aille, c’est aujourd’hui l’anniversaire de ma dulcinée et j’ai oublié les fleurs, le gateau, les breloques et j’en passe…Si je ne me bouge pas, ça va être ma fête…
Elle pourrait bien te friser les moustaches jusqu’à la saint glinglin !