Note de l’éditeur : Tu vas reconnaître les papiers peints, les rues pavillonnaires et les temples d’achat, ta campagne bucolique et ton quotidien. Ta femme, ton mari, ta mère ne sont pas loin ; tout te semblera familier. Oui, ça se passe près de chez toi, mais les choses ont mal tourné.
On peut désormais te séquestrer, te forcer à jouer, orienter tes choix ou décider à ta place. On peut aussi envisager de te vendre. Mais pas que.
Tu aimes te faire peur pourvu qu’à la fin tout se termine bien ? Tu verras, on en a tenu compte.
De quoi demain sera-t-il fait ? En déréglant les curseurs de notre société, Frédérique Martin convoque le règne des indignités ordinaires et flanque nos libertés au vestiaire. Voici venir le grand show des luttes de classes et de sexe, des dominations ou de la logique marchande, dans un recueil pure malt, sec et bien tassé.
J’envisage de te vendre (j’y pense de plus en plus) – 2016
Belfond – 224 pages – 17,50 € – ISBN 978-2-7144-7124-6
Extrait : L’autre jour, j’ai vendu ma mère. C’était au libre-marché des Saints-Sauveurs, celui qui est ouvert aux particuliers deux fois l’an dans les villes importantes. J’ai préféré m’en charger moi-même plutôt que d’en confier le soin à l’un des grands marchands. Ils parlent bien et d’abondance, mais n’ont aucune parole. Il ne faut pas croire, je l’aime, ma mère, c’est ce que je lui ai dit – je t’aime, maman, ne l’oublie pas –, mais il arrive un jour où l’on doit quitter ses parents et brûler tous ses maîtres. Mon père est mort depuis longtemps ; pour lui, la question ne s’est pas posée.
Elle est partie vers quinze heures, on ne peut pas dire qu’on se la soit arrachée. Elle n’est pas si vieille, pourtant, et toujours en excellente santé. Elle ne m’encombrait pas non plus. C’est plutôt une question de mesure ou d’équilibre, et lorsqu’un cycle prend fin, c’est qu’il est temps d’en finir. Pour quitter l’enfance, vendre sa mère est indispensable… Lire la suite