En 2004, j’obtenais le prix Prométhée pour L’écharde du silence. Parmi les membres du jury, figurait l’écrivain turc Nedim Gürsel. Et que disait-il du recueil dans sa fiche de lecture ? « Regard attentif sur les gens simples, sans importance. Poésie de la vie quotidienne. Une grande sensibilité et chutes souvent réussies« . Les gens simples, cher Nedim Gürsel, ont très justement la mémoire longue et les dents courtes. Tout le contraire de ceux qui vous cherchent noise.
L’excellent Michel Baglin, dans sa revue Texture, nous informe dans un article détaillé que Nedim Gürsel risque la prison pour écrire des livres qui ont le mauvais goût de déplaire aux grands patrons de chez lui. Ces derniers ont décidé de le poursuivre pour : » dénigrement des valeurs religieuses de la population. »
Premier rendez-vous au 5 mai.
On sait toute l’estime que je porte aux grands patrons de ce monde ; ce n’est pas cette avanie qui va me faire girouetter. Ecrivain, voilà où ça mène ! aurait dû me prévenir ma mère. Il y a les pays où on les ignore, ceux où on les ridiculise, et puis il y a les autres, ceux qui les affament, qui les persécutent, qui les emprisonnent, qui leur tannent la peau à coups de gourdins, de pierres et de cachots.
Notre grand patron à nous, qui aime la Turquie, nul ne l’ignore, va dégorger de l’eau chaude avec cette sotie. Rappelons celui qui confond les princesses de Clèves et de Monaco à un peu de mesure.
La France et la Turquie ont ceci en commun qu’elles ne trouvent pas chaussure à leur pied. Les gens simples d’ici et d’ailleurs en attrapent des cors et réclament que les baudets qui prétendent les gouverner laissent les écrivains écrire en paix. Et à y être, que les ânons, les mules et les bourriques aillent paître aux herbages d’un certain triangle dont on ne revient jamais.
A ce propos, lire aussi le Blog de l’excellente revue Brèves, tenue par Daniel et Martine Delort, avec talent et ténacité.
M. Flaubert, c’est moi !, par Orhan Pamuk
En complément de ton post, voici un article fort intéressant publié dans Le Monde du 11 avril. Il s’agit d’une réflexion de Orhan Pamuk sur l’attitude de l’écrivain : comme Flaubert, être en colère tout en ayant de la tendresse – et donc de la compréhension – pour ses semblables. Et Frédérique, je te reconnais das cette description.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/04/11/m-flaubert-c-est-moi-par-orhan-pamuk_1179632_3232.html
(à lire vite car il est visible 15 jours en ligne)
Le printemps a comme des relents d’hiver , ma chère Frédérique, et cette information n’est pas de celles qui vont nous rassurer …Mais une fois encore c’est aussi rappeler que la plume de l’écrivain a un réel pouvoir, qu’elle reste subversive même dans ce monde où l’on voudrait nous faire croire que l’artiste n’a plus vraiment sa place, entre combats d’argent et avancées (?) technologiques …
Merci de m’offrir l’occasion, en te lisant, d’espérer…
Claude
Merci Gilles pour cet article. Oui, colère et tendresse mêlées, c’est bien cela. Et le rire, l’ironie, la distance, pour taire qu’on sait tout aussi bien en pleurer. Pamuk,Flaubert, je ne peux qu’approuver ce voisinage.
Merci Claude pour tout ce que tu fais toi-même de ton côté.