Collaborer. Mot galvaudé s’il en est et qu’on n’utilise plus sans y réfléchir à deux fois. Ce mot n’en méritait pas tant, surtout au regard de son sens premier qui est l’Action de travailler en commun. Solitaires par excellence, les créateurs ne cessent pourtant, de manière atavique, de se réunir pour faire ensemble. Pour partager, mettre en commun, confronter, participer… vivre les richesses que recèle la collaboration.
Le 29 avril prochain, sur Radio Moun Païs, dans l’émission Transversale animée par Christian Moretto, je parlerai du projet sur lequel il m’a été demandé de travailler avec deux autres artistes – Ouahide Dibane et Jean-Luc Aribaud – pour raconter l’histoire singulière de la lutte menée autour de l’usine JOB. Le bâtiment Amiral, siglé des trois célèbres lettres, qui se trouve dans le quartier des Sept-Deniers à Toulouse, va se transformer en centre culturel dans un proche avenir. Des associations, des individus, ont œuvré de manière active et soutenue pour parvenir à ce résultat. Par le biais de la collaboration artistique nous rendrons compte de la collaboration humaine.
On pourra lire aussi les réponses croisées que Magali Duru et moi avons rédigées pour répondre au même Christian Moretto dans le journal écologique gratuit Human et Terre n° 25. Quand on parle de collaboration, le blog de Magali Duru est un modèle du genre et Christian Moretto, par ses différentes activités – syndicales, journalistiques, artistiques – participe lui aussi à réhabiliter cette notion.
J’ai déjà évoqué certaines de mes collaborations, ce qui ne m’interdira pas d’y revenir et je ne compte pas m’en priver. J’en profite pour signaler et recommander le blog du moissonneur, sans plus de commentaires. Une autre fois, on pourra découvrir Maggy Masselter et sa peinture, la parution d’une nouvelle dans un collectif sur le mariage, un dossier autour de Le Clézio, un dessin de l’illustratrice Monique Mazarguil… Trop nombreuses pour être toutes énumérées, ce seront autant d’aventures, autant de découvertes à partager.
Pour ces moments d’alliance pure, où le meilleur de l’un rejoint le meilleur de l’autre, il faut être prêt à dépasser les échecs, les rebuffades, les déceptions, les trahisons ou les épreuves qui jalonnent toutes les tentatives humaines.
Dernièrement, j’ai eu le plaisir d’apporter ma contribution à Franck Garot – oui, celui-là même qui écrit avoir passé plusieurs jours avec moi. Son projet des 807 est une manière originale de rendre compte de son attachement à l’écriture affûtée et réjouissante d’Eric Chevillard. Et disons qu’en terme de collaboration, Franck Garot n’est pas du genre qui recule, mais plutôt de celui qui innove. Dans son blog, on découvre une autre initiative qui consiste à mettre en ligne la lecture d’une page 48 de notre choix. Là non plus, je ne vais pas me priver. A suivre…
Dans ce carnet comme dans mes livres, il sera souvent question des autres. A un ami qui me demandait – quelle est ta passion ? – et qui croyait entendre comme réponse – écrire, j’ai répondu : les gens. Dans le métro, dans un bar ou n’importe quel autre lieu public, j’observe la foule, ces corps fatigués, ces traits tirés par le quotidien, et parfois, une telle tendresse m’étreint , que je voudrais pouvoir prendre dans mes bras et serrer contre moi la très grande famille de l’Homme
On peut aller longtemps sans trouver sa place. Qu’il soit ici remercié, celui qui, un jour, a dit de la mienne : tu es la vivandière des mots. Il y a pire comme ambition.
Post scriptum : Voilà une illustration parfaite de ce billet. Pour ceux qui aiment les hommes et la musique, allez-y sans hésiter. Merci au photographe Hervé Goussé de me l’avoir adressée.
La collaboration c’est quelque chose de consenti entre gens indépendants. Je l’ai vue, enfant, entre paysans, dans ma campagne d’origine. Ils se mettaient ensemble pour construire une étable, refaire un chemin, ensiler. J’en garde des souvenirs très forts. Aujourd’hui encore je n’ai jamais vu de manifestation plus aboutie de la collaboration. Pas d’échange d’argent entre eux, comme il peut y avoir dans une équipe de tournage ou sur un terrain de foot. Ils mettaient seulement sur la table leurs bras et leur temps pour faire ensemble quelque chose que chacun d’eux aurait eu du mal à faire seul.
Aujourd’hui, arrivé à 50 ans, je m’aperçois à quel point ce modèle m’a imprégné et à quel point l’autre modèle dans lequel je vis depuis 30 ans, le salariat, est fondamentalement différent, même si des solidarités fortes y existent entre pairs.
Dans un cas un contrat de travail, du management, des revenus réguliers ; dans l’autre une auto discipline et une auto motivation personnelles entre personnes confrontées chacune à des réalités très prosaïques. Deux façons de faire. D’un côté, une armée avec ses généraux PDG, ses lieutenants cadres sup et moyens, ses troupes d’employés et d’ouvriers. De l’autre côté, des artisans, des paysans, des individus.
Pas question d’opposer ces deux mondes d’autant que l’on pouvait, que l’on peut appartenir aux deux, il faut bien vivre, être salarié pour écrire, pour conserver la ferme bressane ou landaise, pour y continuer quelque chose qui est important entre tout.
Frédérique ! Tu es diabolique. Cette réponse prend une tournure de billet et cela fait une demi heure que je suis à mon clavier, dans cette putain de fenêtre minuscule (que j’ai moi-même mise en place !), à essayer de développer ce que suscite en moi ce thème de la collaboration.
Diabolique, diabolique. Laisse moi me repaître du mot, cher moissonneur.
Les gens. C’est une très bonne passion, Frédérique. J’approuve votre billet, évidemment. Comment pourrait-il en être autrement, chère collaboratrice aux 807 ?