Chiures de pluie sur la vitre.
La dentelle des arbres
brise le ciel gris.
Dans l’œil crépusculaire du chat,
les heures rongent
l’attente
d’une consolation
qui s’effrite,
tandis qu’au dehors
les oies cendrées écument en flèche
le bouillonnement des nuages
sous les gifles du vent.
Tu te détournes
un instant,
et voilà qu’il fait nuit.
Quelque part
Quelqu’un meurt
pendant que tu te désoles
de chercher le vivant.
J’aime énormément la musique qui se dégage des mots et de leur savante juxtaposition… le rythme est languissant comme une mélopée consolatrice, un murmure d’espoir…
Accord intime entre tes photos et tes mots. La solitude et l’attente sont tissées. Ces quelques lignes disent tant de choses impossibles à dire.
Migrations, Où comment regagner la berge ? A Vivre le dur combat de devoir nager à contre courant des haïssables fleuves infernaux, pose, immanquablement la question « A quoi bon ». Ici, il n’y a pas d’ambition d ‘arpenter les Champs Elysées, mais, perle en sourdine l’envie de boire l’eau du Léthé ,de connaître l’oubli, recommencer une nouvelle vie….
Les chocs fondamentaux, très rudes provoquent cette sensation d’être dans un interstice du temps, dans un état spatio-temporel inusuel. Une perception distanciée, une nostalgie inactive, nait. On regarde le monde comme si on y était plus tout à fait.Un état d’apesanteur, de flottaison, transforme en bouchon conscient avec une saveur de poésie attirante comme un doux chant de sirène.
Ce poème évoque , tout cela, pour moi. La litanie se déploie au rythme de phonèmes ,d’allitérations, de métaphores tristes , « gris » , « nuit » « brise » « rongent » »effritent » »consolation » « crépusculaire » . Il y a cette implacable réalité « te détournes…et voilà qu’il fait nuit » …et ce terrible constat , désabusé,fataliste et néanmoins combatif « Quelque part quelqu’un meurt….pendant que tu te désoles de chercher le vivant »..Il faut avoir touché le fond pour sentir à ce point la fragilité,la relativité,la subjectivité, de l’existence, en gouter la contemplation….mais la vie chevillée au corps regarde les bourgeons , même, noirs lugubres sur fond d’azur…Le fruit, banal, « normal » de la vie perd, parfois sa chair, se réduit au noyau, oblige à gouter l’arôme d’amande amère aux saveurs délicieuses des dangereux alcools cyanhydriques…mais une leçon d’œnologie vitale épicurienne, fait son œuvre. La saveur de pèches de vigne et autres tétons de Venus sera plus subtile en bouche. Sensation étrange de se voir contraint dans un cocon, d’y vivre un peu larve de se découvrir nymphe en attente de renaitre papillon,butineur… La vie par la fenêtre interpelle l’intérieur …au dedans du dedans.
Merci PFJ, de votre passage et de votre lecture.
Gilles, en réponse, ces quelques vers du poète Georges Oppen dont a parlé Monch :
» Il y a des mots qui ne signifient rien
Mais il y a quelque chose à signifier
Non pas une déclaration incarnant la vérité
Mais une chose
qui est. C’est le travail du poète
de subir les choses du monde
Et de les dire à travers lui. »
J’espère que cette lecture hier a été un moment à la mesure de ton attente et de la joie qu’elle te procurait.
Patrick : Vous employez plus de mots que moi, vous l’avez sans doute déjà constaté. En poésie – pour la mienne comme pour celle des autres – je deviens encore plus mutique. Mais je retiens « chocs fondamentaux » « amande amère » et « contemplation » et je vous en remercie.
Calligraphie des branches en gros plan, dans la seconde photo. Ce qui ne se dit pas s’idéogramme….
M’étant permis de m’attarder sur la prose de Mr Patrick Verroust, j’avoue avoir été transporté par la richesse des analyses qu’il fait de vos mots, déjà emprunts de mystère et de poésie.
M : Un figuier, devant ma porte depuis 15 ans. Et soudain, une autre manière de l’envisager. Un cadeau.
Il y a quelque chose de christique dans ce poème : « Laissez les morts enterrer les morts ». Il me semble?
Depluloin : Christique ?! Ah je ne crois pas Pluplu, ou alors développez. (Remarquez le Christ est soi disant partout, alors… 🙂 )
Comment peut-on attendre la consolation dans la lumière blafarde de l’hiver ? la soudaineté de la nuit qui surprend ?
Je conseille une bonne cure de luminothérapie pour faire disparaître ces « chiures de pluie » qui déforment la vision du futur.
Frédérique, oui ce fut un beau moment avec de belles lectures par des comédiens et un musicien, dont une très chouette de L’importance de l’homéopathie, et bonheur plein de la présence d’amis.
@ Didier : Un poète sommeille en vous.
J’en suis ravie Gilles. L’amitié n’a pas de prix.
“Laissez les morts enterrer les morts”.
La phrase « exacte » est: « Suis moi et laisse les morts enterrer leurs morts… »
Mais je ne vois pas le rapport avec ce beau poème.
Bel alliage des mots et de l’image, sourde mélancolie, les uns meurent, les autres cherchent le vibrant.
@ Artotal : Moi non plus, je vous l’avoue.
@ Zoé : Le vivant et le vibrant, en effet.
Si le nom d’Oppen a suscité de l’intérêt, j’ suis bien content… Un grand poète…
Ta citation de Georges Oppen m’a donné envie d’en savoir plus sur lui, je ne connaissais pas.
Oui Monch, il a suscité mon intérêt et celui de l’ami Gilles. Merci de votre passage.
Didier, vous semblez faire partie de ces gens qui ont des avis définitifs sur tout. Et beaucoup de tact…
Didier… enfin, bref… un homme « sain »… les pires…
@Frédérique
Le poète qui sommeille en moi, n’a pas encore vu la lumière ;o))
@Gilles
En effet.
A la différence près qu’avec du tact, on peut faire évoluer les avis qui ne sont par conséquent jamais définitifs.
@ mon chien aussi
Avec un tel pseudo, je ne sais comment interpréter … un homme « sain » ??
Didier… quand on sait pas quoi répondre, on me fait une réflexion sur mon pseudo… et c’est à ce moment-là que je fais le partage entre… bref… 🙂
@ Monch : Je remercie Didier. Grâce à son intervention, vous me rendez plusieurs visites comme au bon vieux temps. Je vais chercher mon épée qui dormait dans son fourreau, des fois que vous voudriez croiser un peu le fer avec moi 🙂
@ mon chien aussi « Les chiens aboyent, la caravane passe… »
On vous l’a sûrement déjà faite, mais je n’ai rien trouvé de plus original :o/
Désolé, Frédérique, vous méritez tellement mieux.
@ Didier : Ne vous fiez pas à son poil rude, je connais Monch, c’est quelqu’un de bien.
Messieurs, le champ ne se prête plus aux duels. Si nous parlions plutôt de poésie ? Non, mieux, si nous en lisions ?
Voyageur
presque transparent
usé par l’habitude du retour.
Egrène pour moi
la vieille histoire.
Raconte-moi tes années dures.
A l’ombre d’un figuier
où nichent des oiseaux de feu.
Ou à celle d’un nuage en forme de bateau
et de baleine.
Parle-moi comme si j’étais
ton fils, ton père ou ton ami.
Quelqu’un qui passe et qui s’arrête.
Qui entre et passe.
Le père de ton père
ou toi-même.
Un écho de toi.
Luis Mizon – Le songe du figuier en flammes – Editions Folle Avoine.
Didier Caravane… 😀
@ frédérique
« Un figuier, devant ma porte depuis 15 ans. Et soudain, une autre manière de l’envisager. Un cadeau. »
Retour au calme, merci frédérique !
Sinon, les poèmes invocations, ça me dit trop rien. Oiseaux de feu, nuage en forme de bateau ou de baleine……. ploum-ploum-ploum… 🙂
Vous êtes tout simplement jaloux que je n’ai pas choisi un poème de vous. C’est triste Monch, trés triste 🙂
J’écris pas moi… j’ aboie quand Didier passe… 🙁
Et vous le faites si bien – ne pas écrire 🙂
Mon vétérinaire m’a recommandé un excellent collier anti-aboiements. Il vous irait bien au teint.
Vous êtes trop GENTILLE ! 🙂
Ah comme il y avait longtemps que vous ne me l’aviez dit ! Je me sens toute regaillardie maintenant.
Monch, grâce à vous et Frédérique le citant, j’ai acheté le volume complet de George Oppen sorti fin 2011 chez Corti, je suis en train de lire : grosse découverte pour moi. Merci.
Gilles
Tu me le montrera Gilles, quand on ira chez Corti. Et s’il me plait, je le prendrai aussi.
@Gilles. Ah, ben, très heureux que vous ayez pris connaissance de ce volume chez Corti. Belle traduction. Jusqu’à présent, je me contentais des deux volumes sortis chez Unes, repris dans l’intégrale d’ailleurs.
Oh pétard! Il y avait longtemps que Mon chien n’avait pas aboyé ici. Ah le bon vieux temps.
(Bon, je me suis planté, je me suis planté. Les morts enterrer les morts, je crois que c’était en rapport avec cette très belle fin de votre poème.)
@ Depluloin : C’est vrai qu’il y a eu ici une époque faste ou les commentaires fusaient. Monch et Anna de Sandre n’étaient pas les derniers. Mais il reste quelques fidèles comme vous Pluplu, et on accueille les nouveaux avec plaisir.
Ouvrant une bible (Le dehors et le dedans de Bouvier, terrain connu et donc facile d’y débusquer à coup sûr le vivant ;)) au hasard (et perso émue de retomber sur cette page-là), pour faire dialoguer vos mots :
« Je me souviens
le fleuve était en crue
le ciel gorgé de pluie s’étirait comme une bête
sur d’interminables friches noires
L’outarde, la cigogne
et tout ce que j’ai aimé ensuite
y nichaient déjà en secret
(…)
L’averse m’a rincé le coeur
elle l’a tordu comme une éponge
alors le seul fait d’être au monde
remplissait l’horizon jusqu’aux bords »
(« Le printemps kurde »)
(Et une citation d’abscisse qui m’est revenue cet après-midi et qui m’a donné une irrésistible envie de rire mais que ce n’était pas le moment : « sauve mille arbres, tue Christian Bobin » ;))
Chère Emelka, merci de me faire découvrir le poème et le poète par la même occasion. J’aime ces évocations par ricochets, ces dialogues, comme vous le dites si justement. Vous évoquez ensuite abscisse dont nous n’avons plus de nouvelles depuis trop longtemps et oui, cette citation me fait rire aussi, même si j’ai eu – à mes débuts – une longue et farouche passion pour Bobin, qui s’est ensuite éteinte comme on peut claquer une porte.
Plus sérieusement, je n’ai (encore) jamais lu de Bobin, et ne peut donc dire quelque chose de ses textes, si ce n’est que quelques extraits lu ci et là n’ont pas suscité chez moi la curiosité de le découvrir.
Pour abscisse, trop longtemps, comme vous dites. Parfois, pourtant, je me dis que c’était presque hier
Rembobiner Bobin ? Oui pardon. Juste pour vous saluer chère Fredaime, avec un rien de nostalgie pour l’époque de la profusion des échanges.
Zoé, je te réponds entre deux déambulations parisiennes. Oui, un brin de nostalgie, c’est vrai, pour les échanges qui ont eu lieu ici et sur d’autres sites comme le tien. En même temps, comme dit le poète « il n’y a rien qui dure toujours », alors… Ma essagerie est pleine à ras bord, aussi je dis à celles et ceux qui passeraient par ici et qui m’ont laissé un message via ce site, que je leur répondrais dès mon retour.
@ Zobi la mocuhe, on va voir à l’administration pour installer des tentes dans le jardin, et des matelas en boutmy.
@ Chandni :???