A mon père, chercheur d’or.
Pour m’avoir appelée « la vivandière des mots »
et pour m’avoir dit : « Ce que tu fais n’est pas un gagne-pain, c’est un gagne-toi ».
Vous diriez – mon père est mort, et cela ne voudrait rien dire. Vous seriez comme un bœuf, immobile, abasourdie, un poids immonde entre les côtes. Vous seriez si lourde que vous penseriez ne plus pouvoir avancer. Il serait impossible de pleurer, ou alors cela s’arracherait de vous comme une glaire, comme se vident les viscères.
Vous diriez – mon père est mort, je n’entends plus sa voix. Que vous a-t-il dit la dernière fois ? Ah oui : pardon, je t’aime. Et surtout : à bientôt. Il l’aurait dit – à bientôt – et vous auriez répondu – à très bientôt papa, c’est promis. Vous auriez même prévu la date, ce serait le 21 juillet, et ce jour s’inscrit déjà dans un temps qui n’existe pas, dans une promesse que vous ne saurez pas tenir.
Vous chercheriez quelqu’un à appeler, quelqu’un à qui donner ces quatre mots – mon père est mort. Et vous ne trouveriez personne. Vous seriez si absolument seule avec cela, que vous chercheriez la consolation dans le seul élan qui vous reste ; vous écririez. Tout en vous trouvant obscène et tragique. Une chose vous obsèderait, ce mot désormais interdit, sans emploi – papa.
Cela cimenterait vos lèvres – mon père est mort. Vous n’arriveriez pas à le croire.
Vous seriez avide de détails, comme si savoir changeait quelque chose. Il s’est levé, il a dit : j’ai du mal à respirer. Il est tombé. Vous entendriez l’impact, vous verriez son visage, vous croiriez le voir, vous voudriez l’avoir vu. Vous voudriez connaître l’heure, vous voudriez connaître l’endroit. Et par moments, dans un accès de stupeur, vous l’appelleriez avec une voix d’enfant brisée.
Depuis longtemps, vous auriez eu peur que chaque contact soit le dernier. A chaque fois, vous auriez dû faire ce deuil. Et ce jour-là, ce jour-là vous auriez oublié. A la place, vous vous seriez donnés rendez-vous. Et maintenant, vous sauriez que plus jamais vous n’aurez cet appel : « Ton père. Bon anniversaire, fille grande ». Oui, vous voudriez repousser cette idée – ton père – l’empêcher de s’agripper quelque part – bon anniversaire – et d’y loger son bubon venimeux – fille grande.
Les heures à venir seraient pires que tout ce que vous aviez imaginé. Vous en seriez réduite à chercher un rituel qui vous soit propre, qu’on ne vous arracherait pas, une trace que vous conserveriez. Mais vous seriez dépouillée, ne sauriez où vous mettre, chercheriez la force de l’accepter. Alors vous iriez le voir, poser votre front sur le sien. Un peu plus tard, lorsque vous seriez seule, vous cacheriez un mot au fond de sa poche, vous pourriez enfin trouver la place de votre joue sur son épaule froide. Après l’avoir quitté, vous crèveriez d’envie d’y retourner.
Vous penseriez à tout ce qui ne se vivra pas, à votre espoir qui a tenu en vain, à vos mains tendues qui sont souvent restées vides. Vous racleriez vos souvenirs pour en extraire des phrases. Vous n’auriez rien – deux photos, un caillou, de vieilles lettres –, rien pour apprivoiser la peinée sans voix, la petite muette qui attendait celui qu’elle ne reverra pas.
Un abrazo tendre et fort, Frédérique…
Tu vois bien qu’il est revenu, aujourd’hui, dans tes mots.
Émotion(s), résonance, silence.
Mes pensées vont vers bous…
Désolée pour la coquille :
Mes pensées vont vers vous…
Un homme de mots, qui savait ce qu’est un « gagne-toi », ne meurt jamais tout à fait.
Je pense à vous, Frédérique.
De tout coeur avec vous, Frédérique! Je sais, de triste expérience, qu’aucun mot, aucune parole ne pourra apaiser votre peine, aucun geste ne saura combler ce vide. Mais je pense très fort à vous, à votre famille, qui reste…
Rien ne remplace un papa, une maman. La mort fait partie de la vie, ce qui reste est le fruit de l’amour et ce sont les bons mots transmis qui font de vous une belle personne. Sincères condoléances, Frederique.
Un père ne meurt jamais, on croit l’avoir perdu, il est en nous, pour toujours – je sais, on dira que ce ne sont que des mots : mais au cours de mois qui viennent, vous verrez que j’ai raison. Mes pensées vont vers vous.
Il y a bien des domaines où les mots ont une force inestimable. Et puis il y a celui-là. Je te souhaite plein de courage et de joies, autres, à venir, pour contrer cette douleur. Je t’embrasse.
Courage, Frédérique, en ce temps de peine et de douleur féroce. Que ce pardon demandé et octroyé soit le signe, lointain et presque invisible, de l’apaisement qui viendra.
Je te serre dans mes bras virtuellement, ma chère Frédérique.
Des pensées vers vous, Frédérique. Je vous embrasse.
Merci à vous toutes et tous d’être passé(e)s et de m’avoir laissé un témoignage. Je n’ai pas grand chose d’autre à dire, à part ça : merci.
il est intolérable de perdre quelqu’un-e de si proche. la douleur est inconsolable. je te souhaite mille moments de courage pour affronter cela (le mien est parti il y a deux mois). l’écriture est un bon remède. même si la cicatrice ne se referme jamais. ce texte est poignant d’amour et il en est fier de là où il te lit.
merci pour tes mots.
macha
Cette peine terrible, tu la dis avec tant de justesse. T’embrasse fort
Une pensée toute particulière en ce lundi pour toi, ta famille. A bientôt, chère Frédérique.
Des pensées de tendresse pour vous, Frédérique
Parce qu’aucun mot de réconfort n’est adapté, j’ai hésité à vous laisser un commentaire sous ce splendide billet. Je vous serre sur mon coeur tout simplement.
Chère Frédérique,
cela fait presque une semaine que je passe chaque jour sur cette page sans pouvoir vous laisser un mot.
L’émotion est elle trop forte à la lecture des vôtres au point qu’il parait difficile d’en ajouter, je ne sais.
Ce n’est pas qu’ils manquent, ils sont bien là à s’entrechoquer, se bousculer au portillon , mais que que dire de plus, de moins, qui ne soit ou pas …
Peut être que tout simplement, il n’y rien ajouter, que face à une telle émotion les mots se font superflus pour laisser place à un soutien amical.
Mes pensées vous accompagnent.
Ma belle Frédérique toute mes plus belles pensées vont vers toi.
Voici les mots que je garde comme un trésor je les partage avec toi si tu veux bien. « Parceque tu crois que l’amour s’en va quand la personne part alors qu’il reste à l’infini » Catherine ma mère, qui se tenait comme une reine devant la maladie pour reprendre une de tes belles phrases à toi Frédérique, Catherine a répondu « ah oui et surtout celui là ». Elle est partie dans la nuit je ne savais pas que cela allait arriver là.
Oui l’amour reste à l’infini.
Toute ma tendresse, nous sommesà 50 ans comme enfant devant le départ d’un père.
Josette
Chère Frédérique que je ne connais pas…
J’aurais aimé participer à votre stage d’été, faire sortir les mots d’un intérieur calfeutré. Et puis le manque de moyens a fait que j’y ai renoncé.
Je suis rentrée de vacances et suis allée faire un tour sur votre blog, pour avoir des nouvelles, des échos de cette réunion d’écritures…
Chère Frédérique que je ne connais pas, je vous souhaite tout le courage pour ces moments de peine et je pense à vous.
Merci Violette de votre passage et de ce désir de venir à l’atelier. Je n’ai pas encore mis le billet en ligne, mais cela viendra en son temps. Une semaine puissante, riche et profonde. 14 ateliéristes et une énergie, une humanité qui ont circulé durant toutes ces journées, des projets d’écriture qui ont pris forme, un groupe soudé et dense. Un merveilleux moment malgré le deuil. Cet atelier sera reconduit l’année prochaine, j’espère que vous pourrez y participer. Merci en tout cas de votre gentillesse.
C’est malin maintenant je pleure comme un bébé … Plein de bisous
Je t’embrasse Stella.