Sans enfiler de gants, ni s’armer de pincettes, on peut reconnaître que la rentrée, c’est gonflant ! Rappels, factures, impôts et inflation, on voit se profiler des mois exsangues, durant lesquels nous seront reprochées notre molle citoyenneté et notre solidarité en berne tandis qu’on se fera taxer le porte-monnaie au fin fond de la poche. Le grand patron, ses petits acolytes ou le paul t’emploi, tous déclareront la fainéantise cosmique, le gouffre de la sécu insondable, le retard endémique et la crise sans précédent. On manque d’ailleurs cruellement de superlatifs, il y a là un débouché ministériel pour ceux qui ont mal joué leur place au jeu des transats musicaux.
N’évoquons pas les malades imaginaires et les vieux qui s’attardent, ils plombent l’économie et vont jusqu’au trépas en guise de rébellion quand on ne leur laisse pas le dernier mot. La maladie, c’est dans la tête, on devrait taxer ceux qui s’y adonnent. La vieillesse c’est dégoûtant, elle sera bientôt interdite à la naissance. Fort heureusement, on a dégotté un catarrhe qui colle aux bronches depuis le printemps et finira bien par les décimer. Avec la famine et la déshydratation, ce sont des méthodes qui ont fait leurs preuves.
Devant tant de contrariétés et par pur désœuvrement, il se déclenchera une épidémie de faces de carêmes, de règlements de comptes et de querelles antédiluviennes. On s’échangera des mots à la sauce aigre-douce et des amabilités au piment d’Espelette, cadeaux d’un usage courant dans les meilleures maisons. Pour en écouler le stock, il suffira d’en prendre sur son lieu de travail ou d’en laisser quelques kilos chez les voisins, sans oublier les automobilistes, les cyclistes, les ados, les retraités, les fonctionnaires et les chômeurs, les putes et les soumises, le facteur cheval, mon oncle d’Amérique et le dindon de la femme à barbe.
Si avec tout ça, il nous reste cinq minutes, on en profitera pour s’en vouloir de ne pas être aimables en toutes circonstances, multi-talentueux, poly-structurés et méga-souples. On ruminera de ne pas savoir tendre l’autre joue, de mal avaler les couleuvres, de ne pas lâcher prise, de fumer, de boire, de grossir, de glander, de rancuner. On pourra poursuivre en enviant les beaux, les riches et les célèbres (qui sont souvent les mêmes, c’est dire s’il n’y a pas de justice). Sans chercher trop loin, on devrait trouver une tête de turc sur laquelle cracher ses restes de pot-au-feu mal digéré.
Pour le dessert, le chef vous propose à la carte : le litron qui a ses émules ou l’atarax bientôt en vente libre. Une audacieuse combinaison des deux assure pour quelques heures, une perte totale de lucidité. On obtient le même résultat, sans effort, avec le coup de gourdin sur tête d’enfant. A essayer donc, en attendant les prochaines vacances. D’ici là n’oublions pas d’étaler des idées toutes faites, des avis bien tranchés et des jugements définitifs.
Le digestif, on le prendra chez Louis-Ferdinand : Détestons-nous les uns les autres et surtout, restons-en là.
Vacances à espérer ou à redouter ? Celles du pouvoir…
Le pouvoir est protéïforme, JEA, on lui coupe la tête, il lui en repousse cent. Merci pour le lien chez vous.
J’aime le mois de Septembre, ses figues, son chasselas, ses lumières rabattues au début du soir, ses crachins, ses odeurs de gomme, de cuir neuf et de vieille terre, et ses couleurs… ses couleurs, surtout…
@ Anna : gourmande :0)
Eh bien, le passage à Lauzerte a plutôt requinqué le vibrato humoral. Je comprend, j’ai les nerfs vénéreux aussi. Je ne peux plus écouter la radio (la télé, je n’en parle pas, je ne la vois pas) sans avoir une montée atrabilaire. Et pourtant j’essaie de maintenir le cap vers la joie. Pas facile, mais le seul antidote que je connaisse
Tout pareil, Zoé, tout pareil.
pfouu… ce billet ! vais me faire embaucher chez FRANCE TELECOM et mi-octobre, j’me suicide tiens ! 🙂
Arf, attendez l’hiver, le froid pourrait congeler certaines contrariétés :0°
Frédérique, tu devrais faire une cure d’Emoustilleur …
Quel mordant pour parler de ce qui est trop difficile à digérer!
Moi aussi, comme Anna, je savoure chaque année les couleurs de l’automne et leur lumière si chaude avant l’hiver…
Étrange cette vidéo en plan fixe!
René, toi ici ! On trinque ?
@ Enfantissages : Quelquefois, on doit montrer les dents pour éviter de se faire dévorer. L’automne n’y est pour rien.
La vidéo d’accord, mais la chanson ?
Je reprends à mon compte la liste d’Anna de Sandre. Et j’ajoute le gibier.
@ Christophe, laissez donc les lièvres, perdrix, faisans et autres tentations à plumes ou à poil s’ébrouer en paix :0)
la chanson, certes, mais la voix ! ya du « Fersen inside » ..
Superbe texte d’accueil, je reviendrai ici dès que j’aurais plus de temps avec plaisir ! 🙂
Quand vous voulez Douglas.
J’ai pourtant encore vu un papillon dans le jardin du voisin (mais par ma fenêtre) tout à l’heure !
La culpabilité ? Elle est insubmersible. On croyait lui avoir fait la peau en killant Dieu et consorts, l’autorité et tout le bataclan, tout ce qui nous imposait des règles écrites. Et puis voilà qu’une forme de morale peut-être pire a vu le jour. Celle que nous intériorisons. Que nous nous injectons à nous-même pour être de ce monde. Toutes ces règles édictées véhiculées partout. Etre mince/jeune/performant/trilingue/mobile/employable/etc. D’où la floraison de gourous de la santé psychique, de psys dans les médias, de canards psychos, … La religion se porte mieux que jamais. Amen 😉
Les sanglots longs de l’automne…
Apres ce régime draconien, je retourne me coucher !
Faites comme moi, plantez des arbres à papillon et vous en aurez pléthore, jusque dans la maison :0)
Et la messe est dite, Gibi, tu le sais bien, si on se laisse faire. Je l’ai déjà évoqué dans un autre billet : « La voie royale vers l’eugénisme, qui consiste à croire au sens intégriste du terme, que demander suffit à obtenir, que l’on mérite tout ce qui nous arrive, que culpabilité et responsabilité sont synonymes, cette voie royale, dis-je, est à gerber. Je revendique haut et fort mes incompétences, mes failles, mes gouffres et l’incommensurable douleur qui m’habite parfois. Je la revendique pour moi qui prends la parole et pour tous ceux qui n’arrivent qu’à se taire devant la cruauté ordinaire des mieux-disants, des mieux-payants, des mieux-trou-du-culants. »
Bonjour RD, il y a de bien jolies photos chez vous.
Merci de votre passage…
Vous ne remontez pas le moral, heureusement que le mien est plutôt bon en ce mois de septembre 🙂
Allons, allons la Méduse, vous même, si je ne m’abuse, vous laissez aller de temps à autre, à quelques charges bien senties.
Chroniquement rétif aux modes, et désireux par snobisme de m’y soustraire, j’ai pris le parti d’être détestable, atrabilaire, grincheux et dépressif toute l’année: comme ça au moins la crise morale de la rentrée passe inaperçue ou presque de mes proches.
Sans blague.
Voilà qu’il faudrait être triste comme un rat crevé en même temps que les autres, maintenant. Pis quoi encore.
Toute l’année, le Koala, quand on lui dit d’aller ici, se dandine par là :0)
ce morceau, c’est mon hymne !
@ Abs : Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas surprise :0)
Voilà une diatribe dont le style coule de source, je trouve là un plus à votre talent d’auteur, c’est dit naturellement et avec ardeur, ça se partage avec jubilation, les métaphores sont drôles, au bout du compte, un sentiment de belle et singulière écriture… Pour moi, vous ne devriez pas quitter ce ton… Quand au fond il est en grande partie la forme qui remonte à la surface pour laisser s’éclater les bulles d’amertume, celles qui concerne une partie de la population à cette époque, peut-être parce que pour nous les hommes (contrairement à la nature) septembre est un nouveau cycle, et on a envie de l’attaquer crânement… De mon côté aussi, l’humeur guerrière pointe à chaque rentrée. Je me le disais dans cette partie du texte (que vous connaissez bien, encore merci au passage) qui introduira mon expo de fin d’année : « Nous sommes fin 2009 et le désir de création doit m’être fantôme de la certitude (chiffonné avec force). L’intelligence artistique doit m’être cancre du convenu. La singularité doit m’être hachoir implacable des fils trop joliment tendus à l’adresse des funambules. »
Conclusion votre texte m’enchante !
A+
Jacki
@ Jacky : Ravie d’avoir pu vous aider et de constater que vous êtes sensible au ton jubilatoire de ce texte. Elle se prépare bien cette expo ?
Deux pas en avant, deux pas en arrière, deux pas d’un côté, deux pas de l’autre côté… Et la route n’est toujours pas traversée…
Voici pourquoi personne n’a jamais envie de rentrer de vacances, bien-sûr.
De tous temps les puissants redoutent les écrivants et les baladins qu’ils n’arrivent pas à corrompre.
Vous êtes redoutable, Frédérique !
Comme j’aimerai l’être Balmolok :0)