Tous les salons n’ont pas la tenue de celui de Balma où on me trouvera ce vendredi pour remettre le Prix Adolescent, puis samedi sur le stand des éditions N&B et sur celui de la revue Brèves.
Auteurs renommés annonce l’alléchante brochure du salon. Auteurs embaumés constate aussitôt le visiteur désappointé qui ne basculera pas ce jour-là du côté de la lecture. L’auteur de son côté traverse en solitaire l’étendue de sa déconfiture. 7000 visiteurs, lui a-t-on promis pour l’attirer jusque là, et pas un pour lui acheter un livre.
L’auteur vient de loin, ce qui garantit son exotisme. Il s’est tapé un long trajet pour se trouver à 10h00 tapantes, vissé sur sa chaise, la fesse rétractée devant les longues heures de veille qui se dévident devant lui, effondré derrière une pile d’ouvrages inversement proportionnelle à sa notoriété. Coincé à l’étal comme une truite faisandée, l’auteur se jure, promis-craché, qu’on ne l’y reprendra plus, que c’est la dernière fois et que tiens, dés demain, il arrête. Bien qu’il ne soit pas dupe, il repiquera au truc dès que possible.
Cette fois-ci, il croise pourtant quelques figures qui devraient encourager son abstinence. Le représentant de commerce qui déclame de la connerie au mètre linéaire, pour refiler à un badaud captif, un texte boursouflé au corps 20. En face, une mère maquerelle harangue le chaland, le bouquin menaçant. Par dépit, quand malgré tout l’un d’entre eux lui échappe, elle jauge du coin de l’œil le lecteur potentiel de son voisin de table. Sans vergogne, elle échafaude des scénarii pour l’empaler sur son giron. Après quoi, elle barbouillera une dédicace comme elle braderait du merlan après l’avoir rincé de ses entrailles. Il y a le pisse-copie, flanqué d’un orgueil inamovible. Il a écrit un livre – un livre ! Vous rendez-vous compte ?! Depuis, il se hausse du col, il sourcille, le verbe agressif, devant l’absence absolue de reconnaissance et l’incompréhension des foules vagissantes ! Alors il se console – c’est parce que je suis trop en avance sur mon temps.
Le lecteur est comme le prix, unique et effaré. Les couvertures l’agressent, les dithyrambes l’épuisent, les textes l’achèvent. Hagard, il se tient loin des tables, explore les quatrièmes de couverture avec une longue vue, succombe parfois au harcèlement, mais s’enfuit les mains vides, le plus souvent.
L’auteur le comprend, lui qui suffoque dans les librairies où il vient vérifier si ses ouvrages sont bien représentés. Livré au désastre, nourri à la pizza, échoué dans un hôtel où le port du peignoir et de la claquette semble obligatoire pour obtenir sa clef, l’auteur est éprouvé comme une vache qui serait venue sans son veau. A sa droite, un homme en âge de connaître bibliquement Marie-Antoinette. Extatique, il vante à son voisin de cilice, la recette ancestrale des épinards au feu de bois. A sa gauche, se livre un combat de coqs au vin :
– Vous a t’on fait porter mon livre ?
– Absolument, et je vous en fais mille compliments. Mais je n’ai pas encore eu le temps de le lire.
– C’est-à-dire, vous ne l’avez que depuis hier.
– C’est vrai aussi.
– Je dois vous avouer, cher ami, que j’ai quelques scrupules à votre égard.
– Il ne faut pas. Et à quels propos ?
– Vous m’avez fait parvenir moult exemplaires de vos ouvrages et par manque de temps et excès de travail, je ne vous en ai pas toujours remercié.
– Mais je n’envoie pas des livres pour collectionner les avis de réception.
– Certes, certes.
– En tout cas, je vous lirai avec intérêt, soyez en sûr. Je donne tantôt une conférence sur Lafayette…
– Lafayette, vraiment ? Alors vous me permettrez de ne pas en être.
Porté comme une relique, on amène enfin le livre d’or dans lequel chacun gravera avec superbe : Merci pour l’accueil, c’était formidable, on reviendra ! Entre la morgue de la reconnaissance et la vindicte territorialiste, le mythe de l’écrivain a encore de beaux jours pour fourguer sous le manteau des contrats à compte d’auteur et plumer les pimpants comme les flapis que démange un urticaire commun – l’anonymat.
Oui. D’accord. Mais enfin, il y a quand même les after…
Mouhahahahaha ! Totalement ça, misère…
@ M : Dans les salons de bonne tenue, oui 🙂 Mais dans les salonnades, rien du tout. Verveine menthe à 22H00.
@ Sophie K : Je ne connais pas un auteur qui n’ait une avanie de ce genre en magasin. (Il y en a même qui en ont des pires)
Je me suis souvent demandé pourquoi ces auteurs esseulés, délaissés, ignorés ne se livraient pas à des occupations du style tricot, mots croisés, solitaire pour occuper ces longues journées tricostériles.
Bon courage Frédérique pour cet horrible salon….. ceci dit je devine que – si tu y vas – c’est qu’il s’y passe d’autres choses, des rencontres entre collègues auteurs, avec d’estimés éditeurs, et quelques lecteurs passionnés…… si si, il en existe.
Oh, j’ai vu une horreur cette année au salon du livre de Paris : un stand d’une société d’autoédition déguisée en maison d’édition qui avait fait venir une trentaine de ses auteurs (soit pour les récompenser, soit pour les faire participer financièrement), c’était d’une grande tristesse.
Bon je ne te demanderai pas si cela c bien passé … C par ce que je n’y lis plus 🙂 est ce que l’écrivain ne deviendrait pas du miel pour attirer les mouches sur les salonades ?
Au moins elle nous a valu ce texte, cette salonnade, et une bonne rigolade à te suivre dans les allées, à remonter les pages saumon et à slalomer dans la foule des lecteurs et des auteurs devant lesquels ils font la queue… mais juste celle d’un poisson d’avril ! 😉
@ Gilles : Balma n’est pas une salonnade, on y est bien acceuillis, on y retrouve des copains, on y fait des connaissances, on y croise même ses lecteurs !
@ Cissounou : Cela s’est bien passé, comme je viens de le dire à Gilles. Balma, je m’y sens un peu comme chez moi. J’y passe toujours de bons moments et j’y croise un monde fou.
@ Kiki : C’est LE salon sur lequel je n’ai croisé AUCUN lecteur (ni même les organisateurs). Deux jours dans ces conditions… c’est interminable. J’en garde un souvenir ému.
Les salonnades… certains jouent les huiles, les autres pisse- vinaigres. Certains m’auraient bien préposés à la tenue de stand, façon commode d’entretenir un réseau relationnel qui les fait voyager de part le vaste monde aux frais de l’institution. Du temps où j’étais responsable d’une maison d’édition, je protégeais les auteurs de ce genre de « mondanités ». Les ventes de livres et les marges dégagées étaient trop marginales pour que cela en vaille la peine . Autres temps, autres mœurs. Vous décrivez bien une certaine ambiance. la vie des lettres devient événementielle. Bon courage!
@ Patrick : Oh mais les salonnades et les ronds de jambes ne datent pas d’hier, ils ont toujours été inhérents à ce qu’on appelle en terme inapproprié « la vie littéraire ». Fort heureusement, il y a des lieux ou l’accueil, l’amour des livres et la relation humaine ont encore leur place. On ne peut pas le savoir avant d’y avoir été, mais on peut toujours éviter les endroits funestes quand on les connait.
Mouahahah! Bon, Balma, c’est mieux, mais cette année, sais pas pourquoi, je ne l’ai pas senti. Eu le plaisir de te voir. Hors cela, j’ai eu l’impression que le salon était moins effervescent. Peut-être parce que les dégustations se trouvaient ailleurs 🙂
@ Zoé : Morne fréquentation, le samedi a été particulièrement calme. Aujourd’hui, je ne sais pas.Journée studieuse, je suis restée derrière mon ordinateur. Mais peut-être le public était-il enfin au rendez-vous, qui sait ? Bien rentrée ?
trop savoureux, les salonnades, on a tous assisté à « ça », et même pire…
@ Bonjour Marie, un petit souvenir à nous confier peut-être ?
Nan! En passant le rond point de Montrabé (private information) , déclenchement d’un tintamarre inquiétant dans le moteur. Arrêt immédiat sur le seul endroit praticable, l’entrée d’une villa. Impossible de redémarrer. Quatre heures à attendre une dépanneuse !!! Heureusement que le salon ne m’ayant guère inspirée, je suis rentrée tôt ! Le nombre de congénères qui, me voyant bien embêtée (plus de batterie de portable) n’ont pas daigné répondre à mes gestes… Heureusement deux femmes (vive les femmes) se sont arrêtées et m’ont permis de débrouiller mon histoire sur leur portable.
@ Zoé : Aïe… une femme seule, en panne, la batterie du portable déchargé ! Ce sont tous les ingrédients d’un film d’horreur, ça ! Désolée de ce retour mouvementé.